Les Syriens demandent une décision de l’ONU contre la Russie pour des attaques contre des hôpitaux en 2019
NEW YORK — La Fédération de Russie est actuellement accusée devant le Comité des droits de l'homme de l'ONU à Genève d'avoir mené une attaque délibérée contre un hôpital en Syrie, et ce, dans le cadre d'une nouvelle action en justice qui met en lumière le recours répété par Moscou à la force militaire contre les établissements de santé en Syrie, où ses forces ont soutenu le régime du président Bachar al-Assad.
Une plainte déposée devant le Comité le 1er mai porte sur une série de frappes aériennes contre l'hôpital chirurgical Kafr Nabl, situé dans la province d'Idlib, le 5 mai 2019.
L’armée de l’air russe est accusée d’avoir tué deux civils et mis en danger la vie de tous ceux qui travaillaient et utilisaient l’hôpital à ce moment-là : les médecins, les patients, le personnel de soutien et les visiteurs.
La plainte a été portée devant le Comité par un Syrien dont les deux cousins ont été tués par l'attaque, et par Hand in Hand for Aid and Development, l'ONG humanitaire qui soutenait l'hôpital à ce moment-là. Hand in Hand représente actuellement les intérêts des patients de l’hôpital.
Les requérants sont représentés par des avocats de l’Open Society Justice Initiative, avec comme co-conseil le professeur Philip Leach, professeur de droit des droits de l’homme auprès de la Middlesex University au Royaume-Uni.
Les éléments de preuve présentés au Comité comprennent un compte rendu détaillé de l'attaque de l'armée de l'air russe contre l'hôpital de Kafr Nabl et trois autres hôpitaux près de Kafr Nabl en l’espace de seulement 12 heures, les 5 et 6 mai 2019. Aucun combat ne se déroulait à proximité de l’hôpital au moment de l'attaque, l’hôpital se trouvant dans un territoire contrôlé par l'opposition, à une vingtaine de kilomètres de la ligne de front.
La plainte s’appuie sur une multitude d’enregistrements vidéo et audio réalisés à l’époque, ainsi que sur des témoignages oculaires qui indiquent une implication directe de l’armée de l’air russe dans la coordination et l’exécution des attaques. Ces documents comprennent des observations d'avions russes dans la zone au moment en question, ainsi que des enregistrements audio de communications entre un pilote russe et le contrôle au sol russe qui autorisaient le largage de munitions aériennes et confirmaient que les munitions aériennes avaient été larguées aux moments précis où des vidéos des frappes ont été réalisées. Certains des éléments inclus comme preuves dans la plainte ont été utilisés par le New York Times dans un rapport spécial publié le 13 octobre 2019.
Fadi al-Dairi, directeur de Hand in Hand, a déclaré : « L'attaque de l'armée de l'air russe contre l'hôpital de Kafr Nabl fut une atrocité bien documentée qui faisait partie d'une attaque systématique contre les hôpitaux et les établissements de santé dans le territoire contrôlé par l'opposition en Syrie en 2019. L’ONU avait communiqué les coordonnées de l'hôpital à la Russie dans le cadre de son mécanisme de déconfliction. Les Syriens attendent du Comité des droits de l’homme qu’il nous accorde une certaine mesure de réparation en reconnaissant la vérité sur cette attaque brutale et les souffrances causées. »
James A. Goldston, directeur exécutif de Justice Initiative, a déclaré : « Cette plainte déposée devant un tribunal international des droits de l’homme proéminent expose la stratégie délibérée du gouvernement et des forces armées russes consistant à cibler le domaine des soins de santé en violation flagrante des lois de la guerre. Cela doit nous rappeler à tous que les attaques contre des établissements de santé protégés – que ce soit en Syrie, au Soudan, en Ukraine ou dans la bande de Gaza – sont une abomination qui ne doit jamais être normalisée. »
La plainte est étayée par des analyses d’experts préparées par les Archives syriennes et Physicians for Human Rights. Le groupe humanitaire syrien des Casques Blancs a contribué à la collecte de preuves. Physicians for Human Rights a documenté plus de 600 attaques contre des établissements médicaux en Syrie depuis 2011, la grande majorité menée par les forces syriennes et russes.
Le Comité des droits de l'homme, basé à Genève, est un organe de 18 experts indépendants qui surveillent la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui a été signé par 173 pays. En vertu du Protocole facultatif du PIDCP, que la Fédération de Russie a signé en 1990, les personnes peuvent porter plainte contre les États signataires devant le Comité pour violation de leurs droits.
La plainte accuse la Fédération de Russie d'avoir perpétré une violation claire et grave du droit international humanitaire en attaquant délibérément un établissement médical protégé, en violation du droit à la vie établi dans le cadre du PIDCP. L'attaque a tué deux frères et mis en danger la vie de toutes les personnes qui travaillaient et utilisaient cet hôpital toujours très fréquenté. L'hôpital fonctionnait normalement au moment de l'attaque, et ni la Russie ni la Syrie n'a prévenu de l’imminence de l'attaque. Ce n’est pas la seule fois que l’hôpital Kafr Nabl a été pris pour cible : il a été attaqué 13 fois entre 2014 et 2019.
D’un point de vue juridique, une décision contre la Russie fournirait une nouvelle jurisprudence importante sur les obligations extraterritoriales des États en période de conflit armé et ouvrirait la voie à des décisions progressistes émanant d’autres organes et tribunaux des droits de l’homme.
L'Open Society Justice Initiative fait partie des Open Society Foundations et poursuit des litiges stratégiques sur toute une série de questions, notamment les progrès des droits de l'homme et la promotion de l'État de droit. Son travail en Syrie consiste notamment à soutenir les efforts cherchant à traduire en justice de hauts responsables et dirigeants syriens devant des tribunaux nationaux européens pour les crimes contre l’humanité commis en Syrie.
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